Le cantique du noyé

C’est toujours un plaisir de retrouver la plume de Manon Segur, si belle et envoûtante. La véritable surprise vient de l’histoire en elle-même, bien différente des deux premiers romans de l’autrice (même si on y reconnaît sans mal son style particulier). Le Cantique du Noyé est classé comme roman de science-fiction, et j’ai mis longtemps à voir où se trouvait le côté SF justement… Et même si on le sent venir au bout d’un moment, ça reste une véritable claque au moment des révélations. […]L’ouvrage est aussi très féministe, à travers la lutte d’Aurore et des Diablesses. J’ai aussi apprécié la mention de l’endométriose et je me suis surprise à aimer la scène de BDSM ! Ce n’est pas trop mon truc habituellement, mais l’autrice aborde la scène sous le prisme du consentement et de l’amour sincère, avec notamment place au “care” d’après session.

En ouvrant ce roman aux sonorités lyriques et mystiques, nous plongeons dans un univers troublant et envoûtant. L’atmosphère y est sombre et énigmatique et l’intrigue subtilement dosée. Nous y suivons des personnages profonds et nuancés dont les destins s’enchevêtrent au-delà du visible… Je me suis laissée porter par le talent de narratrice de Manon et j’ai suivi le fil rouge habilement tissé par cette dernière reliant entre eux tous ces protagonistes torturés, venimeux, oppressés et oppressants ainsi que cette histoire qui déchire le voile des croyances et des non-dits… Telle une pluie d’étoiles tombantes, des thématiques fortes parsèment ce roman aux teintes surnaturelles et éthérées. Féminisme, misogynie, religion, endoctrinement sectaire, violence conjugale, manipulation médicale, romance, complots, sont abordés dans cette rhapsodie qui sonne très juste et a raisonné en moi comme un cantique enivrant où dansent ombre et lumière dans une valse de ressentis.

Certes, le récit est dur, violent, poignant, frontal, mais c’est à l’image de la vie, d’autant plus quand on subit le patriarcat de plein fouet. Il est très malin de nous faire entrer dans l’intrigue à travers […] Mais rapidement, on sent que les apparences sont trompeuses. L’autrice retourne la situation et l’on se retrouve pris au piège dans son plan diabolique (brillant). L’alternance entre les souvenirs des personnages et leur présent permet de mieux cerner les enjeux de leur personnalité. Le récit est d’ailleurs riche en rebondissements, pour mon plus grand plaisir. Les protagonistes sont tous très attachants, mention spéciale pour Judith. Le roman oscille entre le thriller et la SF. Il est ambitieux, nous conduit dans des directions inattendues sans jamais nous perdre en chemin.